AVC et salutogenèse

AVC et salutogenèse

Samedi, Décembre 14, 2024

Comment favoriser sa santé après un accident vasculaire cérébral ?

Parmi toutes les leçons apprises et vécues en tant que thérapeute, il y en a une qui peut paraître de prime abord un peu froide et antipathique, mais qui peut s’avérer efficace dans une relation d’aide thérapeutique. Je veux parler de la dédramatisation. Il ne s’agit pas de balayer d’un revers de la main la personne et ses souffrances et ignorer la pénibilité de sa situation, mais de laisser la place à la salutogenèse, tout en considérant la pathogenèse et son tableau clinique.

La dédramatisation nous amène à considérer notre état comme possiblement changeant, modifiable, évolutif. Elle nous conduit vers l’acceptation, l’apaisement et « les possibles ». Il est évident que cette approche n’intervient pas durant la phase aigüe de l’accident, mais il arrive un moment où la vie reprend son cours, différemment, certes, mais sûrement.

C’est donc avec cet état d’esprit que je vais aborder les accidents vasculaires cérébraux (AVC), véritables épouvantails de nos existences, en faisant le point sur la salutogenèse.

D’abord, qu’est-ce que c’est que ça, la salutogenèse ? Le terme a vu le jour avec Aaron Antonovsky, un sociologue, qui établit son concept sur la base des déterminants de la santé et non pas de la maladie, tout en considérant ces deux états (santé et maladie) comme liés dans l’espace et le temps. Étymologiquement, cela veut dire « l’origine de la santé » et non de la maladie. En d’autres termes : « Qu’est-ce qui favorise la santé ? » et non « Qu’est-ce qui favorise la maladie ? ».

Ce concept rejoint d’autres approches de l’existence comme, par exemple, le taoïsme avec le laisser faire et la spontanéité ou la résilience et l’alignement, c’est-à-dire la cohérence. Antonovsky a le mérite d’avoir élaboré pour nous, à sa façon et avec beaucoup d’intuition et d’observation ce que les Orientaux connaissent depuis longtemps.

Revenons à notre AVC. Celui-ci ne nous a pas terrassé et nous sommes encore vivants, comme le 80% des gens subissant cet accident vasculaire. En effet, environ 50% s’en remettent complétement et 30% restent handicapés. Trouble moteur d’un bras, hémiplégie, aphasie, dysfonctionnement des intestins et d’autres séquelles importantes sont les conséquences possibles d’un AVC. On ne peut nier la diminution drastique de la qualité de vie avec ce genre de problème. Malgré cela, j’ose insister avec la salutogenèse. Voici pourquoi.

La pathogenèse, si elle pouvait parler et dans un souci de supprimer les causes de votre accident, vous dirait : « Ne fumez plus, diminuez votre stress et avaler ces pilules ! ». Ce qui est juste et important, mais est-ce suffisant pour retrouver une santé optimale ? Non. Et c’est ici qu’entre en jeux la salutogenèse.

Dans son élan dynamique, elle vous invite à vous demander : « Qu’est-ce qui me fait du bien ? ». Attention, je ne parle pas de l’effet nicotine de la cigarette, mais plutôt des effets de la dopamine, de la sérotonine, voire de l’endorphine. Toutes ces belles hormones que l’on sécrète lorsque l’on se sent comblé, aimé ou que l’on aime, ou encore lorsque l’on crée spontanément, que l’on s’exprime artistiquement ou artisanalement ou lorsque l’on a trouvé un sens à ses actions et à son environnement, que l’on comprend les tenants et les aboutissants de nos actions.

Elle nous explique également que notre vie, tant qu’il y en a, mérite notre attention et, finalement, toute autre vie mérite notre égard.

Un jour en santé, un autre jour malade. Ces deux états faussement ennemis sont liés par la vie, qui elle, requiert toujours les vertueuses choses simples et fondamentalement importantes pour l’humain : la foi en nous, le sens et la compréhension. Au-delà de la santé, la salutogenèse s’intéresse à la vie.

Tout comme le taoïsme, la salutogenèse nous explique que nous ne pouvons être totalement en santé si la société (le tout) ne l’est pas elle-même. Nous sommes liés et interdépendants les uns et les autres. Notre santé, ainsi que nos maladies, se nourrissent de nos forces et de nos faiblesses, de nos qualités et de nos défauts. À nous tous d’aborder ces thématiques pour la santé physique et mental de chacun.

Les méthodes du masseur médical répondent parfaitement à ce besoin d’hormones du bonheur et de l’apaisement.

Ces méthodes peuvent redonner de l’élan dans le quotidien de la personne handicapée, dynamiser les échanges chimiques intercellulaires, soulager la spasticité musculaire, la sclérose et la raideur articulaire.

Dans son élan vers la santé, la personne handicapée ressent à nouveau son corps capable de lui procurer du mieux-être, elle peut retrouver de la foi en elle et en ses capacités, et ainsi prendre du recul sur elle-même. Plus forte, plus ancrée et apaisée, elle est disposée à être en relation harmonieuse avec son entourage qui, lui-même, sera plus à l’aise à son tour et ainsi de suite, comme dans un cercle vertueux ou, selon le taoïsme, un chemin de vertu.

Donner un sens à sa condition, donne de la valeur à son existence. Ce puissant remède universel inscrit en nous peut expliquer pourquoi, parfois, les plus mal lotis ne sont pas forcément les plus malheureux. Heurtés dans leur santé, mais attachés aux aspects fondamentaux de la vie, ils manifestent plus d’enthousiasme dans leur quotidien que la pâle figure de l’être hyper connecté que nous devenons, au consumérisme débridé et se réjouissant de chaque progrès technologique comme le gage de notre bonheur augmenté et notre quasi immortalité.

Grâce à la recherche sur le cerveau, nous connaissons aujourd'hui la plasticité et la reconstruction neuronale. Nous ne pouvons déterminer comment cette reconstruction peut se produire suite à un trauma, mais elle existe belle et bien. La neuroplasticité est stimulée par des activités ou des exercices répétitifs et assidus de nature intellectuelle (mathématique, écriture, mots croisés, ...), physique (marche, natation, gymnastique, ...) et manuelle (bricolage, couture, cuisine, ...). Suite à un AVC, c'est donc bien le bon moment de se demander ce qui peut nous faire du bien et de le faire assidument, tel que la salutogenèse nous le propose.

Antonovsky a entamé sa réflexion sur les déterminants de la santé en se demandant comment cela se fait-il que certaines personnes semblent s’être mieux adaptées à la vie dans les camps de concentration nazis. Lorsque le malheur frappe à notre porte, nous nous retrouvons à la croisée de plusieurs chemins. La salutogenèse requiert un engagement vers nous-même, pas toujours évident, mais n’est certainement pas un chemin sans issue. Au contraire.

Bonne santé !

Thomas Payot

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