C'est le pied !

C'est le pied !

Mardi, Janvier 21, 2025

Bon pied bon oeil

« J’ai des problèmes aux genoux et pourtant je fais tout ce qu’il faut pour avoir de bonnes jambes. Vélo, marche, massage et je renforce même mes pieds et chevilles en marchant pieds nus chez moi. Que faire de plus ? »

Rien ! Mais peut-être différemment, surtout concernant la marche pieds nus.

Est-il bon de marcher pieds nus ? Oui, mais non. Non, mais oui. En fait, nous sommes tellement habitués à nos chaussures dès le plus jeune âge, que notre pied en a perdu ses atouts. Dans tous les cas, le choix de marcher pieds nus doit se faire en accord avec son état de santé et la robustesse de ses panards.

Plusieurs études ont été menées pour connaître les effets de la marche pieds nus comparée à celle chaussée. Il n’y a, en la matière, que peu de certitudes, mais des tendances se confirment étude après étude et quelques changements significatifs ont été observés chez les personnes qui marchent pieds nus. C’est justement à propos de ces changements mécaniques du pied nu et du corps en général dont j’aimerais vous parler, afin d’appréhender au mieux les conséquences de la marche pieds nus et d’en bénéficier au maximum tout en réduisant les éventuelles complications….et ce, même si les godillots nous collent au basques depuis plus de 40'000 mille ans.

Le pied est composé de 26 os, 33 articulations et 19 muscles. Sa structure est idéale pour supporter le poids du corps et répartir les forces durant la marche. La sensibilité nerveuse du pied lui confère un rôle déterminant dans notre posture et notre santé en général. Il est l’aiguilleur de notre train porteur, les jambes et, au-delà, de notre corps.

Les changements mentionnés ci-dessous sont listés aléatoirement et ont été observés dans de nombreuses études. Une revue systémique* de 2015 de l’université de Birmingham publiée dans le journal Elsevier (démarche et posture) en a fait l’inventaire. Ces modifications mécaniques significatives observées peuvent permettre de faire quelques hypothèses plus générales sur l’impact de la marche pieds nus.

Changement no 1

L’avant du pied s’élargit en marchant pieds nus, surtout en portant une charge, pour un meilleur appui et un meilleur amorti. Il semble que le problème d’hallux valgus puisse être en lien avec une chaussure trop étroite à l’avant du pied. En effet, cela peut empêcher l’élargissement naturel de l’avant-pied et des orteils.

Changement no 2

La flexion du genou augmente en marchant pieds nus. Il existe un moyen très facile de ressentir ce phénomène. Il suffit de faire quelques levers de talon d’un centimètre (pas plus) durant une minute, sur l’avant des deux pieds, en se tenant debout, puis de marcher. Vous devriez ressentir le raccourcissement de votre foulée (changement no 4) et la flexion du genou augmentée. C’est d’autant plus flagrant si vous avez tendance à marcher sur les talons.

Changement no 3

Une diminution du genou varum est observée. Il s’agit d’une diminution des jambes arquées (comme un bébé à la naissance). En cas d’arthrose du compartiment médial (interne) du genou, cela peut être intéressant.

Changement no 4

La vélocité de la marche est augmentée avec une foulée raccourcie (en lien avec le changement no 2).

Changement no 5                                                                                        

L’amplitude du mouvement de la cheville et du genou est diminuée. C’est-à-dire que la stabilité du genou et de la cheville est augmentée, ce qui peut être bénéfique pour prévenir l’arthrose du genou ou de la cheville.

Changement no 6

La flexion plantaire est augmentée (pointe de pied des danseurs), ce qui favorise le travail de la cheville.

Changement no 7

Marcher pieds nus va diminuer la hauteur et allonger l’arche interne longitudinale du pied. Cela peut augmenter l’effet élastique de notre fascia plantaire pour une meilleur propulsion. Une arche trop haute n’est pas bénéfique. À contrario, l’absence d’arche (pied plat) peut provoquer d’autres désagréments.

Changement no 8

Augmentation de la pression sur le calcanéum et les têtes des métatarsiens durant la marche pieds nus. Prudence en cas d’arthrose ou d’usure osseuse dans ces régions.

Changement no 9

Extension et flexion de la hanche diminuée. En lien avec l’augmentation de la vélocité (changement no 4) et la flexion du genou (changement no 2).

Changement no 10

La pression plantaire maximale est augmentée lorsque la personne n’est pas habituée à marcher pieds nus, mais elle diminue pour les habitués (loi de l’entrainement-adaptation-progression).

Changement no 11

Selon l’électromyographe, le tonus musculaire jusqu’aux premières cervicales n’est que faiblement modifié en marchant pieds nus. Il est possible que le pied nu absorbe la majorité des impacts en l’absence de chaussures. Concernant le pied sain, la chaussure permet d’amortir les chocs, mais au détriment des qualités naturelles du pied et de sa stimulation.

Il y a peu de différence, semble-t-il, entre la marche pieds nus et celle avec des chaussures légères ou minimalistes. Idem pour la marche en chaussette.

Hypothèses et conclusion

Tous ces éléments nous conduisent à réfléchir à notre patient cité plus haut et ses problèmes de genoux en émettant quelques hypothèses.

Imaginons que cette personne souffre d’un problème aux genoux qui est exacerbé à la flexion. Alors, selon le changement no 2, il se peut que la marche pieds nus contraigne encore plus ses genoux.

Imaginons encore que notre pauvre marcheur ait, non pas des jambes arquées, mais des jambes en X, c’est-à-dire un genu valgum, le contraire de genu varum. Et bien selon le changement no 3, ses symptômes peuvent se péjorer.

Et enfin, selon le changement no 10, est-ce que notre patient a respecté la loi de l’entrainement-adaptation-progression ? A-t-il pris le temps de s’habituer à marcher pieds nus pour ne pas surcharger le pied au détriment des genoux ?

Il y a un autre facteur important, celui de la surface sur laquelle nous marchons. Notre pied est une structure « pensée » pour évoluer sur des terrains meubles et irréguliers, tels que la prairie, le sable ou la terre. Par nature, nos arpions s’adaptent aux terrains accidentés. Les points d’appui sous le pied varient selon sa dynamique. C’est le pied pour nos petons de s’articuler et de s’adapter au terrain ! Par contre, la surface artificielle, plane et dure que peuvent être le plancher, le carrelage et le bitume va fatiguer à outrance nos panards qui subiront des points de pression identiques et continus au sol dû au manque de variation du terrain. Dans ce cas, le pied ne s’articule plus, il devient un sabot chinois, une planche d’appui pour notre corps et ses fonctions dynamiques ne peuvent s’exprimer.

À cela, ajoutons que la marche est une chose et que la position debout statique ou à piétiner chez soi en est une autre. La plupart des études sont réalisées sur la marche et non pas au domicile ou au bureau à cuisiner ou piétiner. Rester debout sans marcher ou en piétinant risque de créer plus de désagrément, que vous soyez pieds nus ou pas.

N’oubliez pas que tout notre corps est conçu pour le mouvement. Notre anatomie nous prédispose à l’activité physique. Plus nos mouvements sont variés, fréquents, réguliers et adaptés à notre état, meilleure est notre santé. Cela est aussi valable pour nos pieds.

Prenez en main vos pieds ! (Attention ! Vous allez avoir droit à une annonce de votre masseur). Les 26 os, 33 articulations et 19 muscles de votre pied méritent de récupérer. Des pieds en forme soulagent vos jambes, votre corps et vos organes grâce à la foire aux terminaisons nerveuses qui se trouvent dans vos chaussures. Entendez le brouhaha, les éclats de rire, mais aussi les plaintes qui émanent de vos godillots. Vos pieds aiment voir du pays, alors prenez soin d’eux !

Bonne route !

Thomas Payot

*Une revue systémique est une sélection d’études sur un sujet basée sur une méthodologie prédéfinie . Elle permet d’extraire des données fiables, d’en faire une synthèse et de former une conclusion.

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